La cuisine

Publié le par LuNa A

Une pièce ouverte sur un salon à manger, un bar avec des tabourets séparent les cuisiniers derrière, deux éviers ronds, une gazinière, au fond, les placards impeccables, remplis d'épices et d'herbes en tout genre. Un énorme frigo américain trône à côté d'un four à pain. Des tiroirs s'encastrent dans les murs, des ustensiles s'enflamment sur le plan de travail, des plats côtoient des paniers de légumes, fruits, conserves, bocaux, tresses et bigoudis d'aromates se promènent dans des allées gourmandes. Des odeurs aux couleurs, tout respire l'abondance.

Aux fourneaux, ça bouillonne, une batterie en action, une cacophonie de grésillements. Du hachoir aux couteaux aiguisés s'abattant sur la planche. Tout est précis, la gestuelle, le minuteur, la couleur, l'odeur, les épices, la coriandre et la cannelle jusqu'aux frémissements de la narine au bord de l'ivresse.

Elle est là, la mère, la matrone s'adonnant au plaisir de l'incantation. Elle gouverne, décortique - l'ogresse - découpe, hache, rissole, épluche, coupe, fait bouillir, orne et chante. Elle chante ces chants des anciens temps, ces chants appétissants, tantôt envoûtants, tantôt violents. Quelques épluchures témoignent de ses gestes. Une danse, une ritournelle festive des sens. Tout invite à se damner pour des vapeurs de soupe, des clapotis de cuillère se lovant contre la paroi du saladier, récipient dont la ronde s'agite. Les convives, eux, ingurgitent, en rythme, loin, tellement loin de soupçonner les vertus de cette invocatrice des sens.

Publié dans LuNa A : Calligrammes

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